Le confin ne ment

« Je ne me suis jamais sentie vieille, mais grâce au confinement, c’est fait! »

dit Marie, au début de l’atelier de méditation. Adapté avec les outils numériques -qui l’eût cru?-, téléphone pour elle, visio pour les autres, nous voilà suspendus au retour de chacun, avant de commencer la séance. Et Marie est en verve.

Toutes ces règles sur les plus de 70 ans, elle les a vécues comme des mesures qui disent de façon maladroite la protection organisée. 

« En voulant protéger ainsi, vous nous enlevez notre vitalité » semblait dire Marie. 

La situation a révélé ce qui était là, sous l’iceberg. Une société basée sur la peur, engendre le désir du toujours comme le refus de l’aléa. Elle propage aussi la confusion par le paradoxe des annonces. Le monde du doute, de la suspicion, s’en nourrit, s’assombrit, en lieu et place de celui de la confiance et de la lumière. Savons nous ce que nous voulons nourrir, comme dit l’adage?

Que dire de l’effet déshumanisant des annonces des morts en direct, à portée d’oreilles d’enfants, du manque de lien, de la solitude ou au contraire de l’impact de la promiscuité? En retour de ce virus, j’ai fait l’expérience de l’impuissance dans un contexte où je ne pouvais m’appuyer que sur … ma respiration et le lien humain. J’y ai senti, au milieu de tout ça, l’explosion d’une liberté, celle de l’être au delà des murs.  J’ai ouvert mes carnets, mes écrits en attente, et j’ai écris encore, décidée à ne plus attendre. Et j’ai beaucoup aimé partager en visio… Qui l’eût cru? Même pas moi!

Au delà de la cabane, la liberté ressentie me porte. 

Alors, oui , Marie, bien sûr que je les vois tes yeux pétillants de vie, la poésie dont tu parles en t’excusant. 

Regarde, comme tes mots harmonisent  ton corps bandé comme un arc. 

Ce corps a fait des arts martiaux; il s’en souvient parfaitement. Tu le ressens révolté à l’idée d’une confiscation de la liberté d’être.

Le paradoxe dehors agit dehors aussi : « Profitez donc » semble me dire encore une fois l’allée de roses qui n’a jamais été aussi belle que cette année … 

«  Un petit masque, Marie, comme un écran, n’empêchent pas les cœurs de battre ensemble… Nous traversons cela… tu le sais bien, dans l’humour aussi, toi au téléphone et nous en visio, dans le même temps. Et nous ressentons quand même l’être ensemble de façon impressionnante. Un groupe porte et soutien, quel qu’il soit. Le lien est une clé.

 Écris tout ça ! » lui ai-je dis.

©Véronique Bonnet

… Et voici ce qu’elle m’a envoyé : 

Texte : Passage à l’état Vieux des confinés dès 65 ans

V…

« Soleil Vert » décliné en confinement

65 ans – 1 seconde, et à la seconde suivante

La rupture de cycle s’est produite sur le tableur,

Tu ne réponds plus à la scorecard du présent,

Ton mode d’adaptation à la circonstance demeure

Et la valeur française au XXIème siècle : le Vieux

Liée à bien des facteurs t’envoie vers d’autres cieux.

Vétéran, vieux, vieille, vieux con, vénérable, anciens, politiquement correct « seniors » attention

V comme virus, stop, danger, Covid..

A l’annonce, rendez-vous déplacés

Vie organisée sans ennui avec créativité

Action, réaction, bougeons, donnons

Ecoutons, tout simplement vivons.

Petit air d’été en mode Soleil Vert :

Les edelweiss regardaient le ciel

Les choucas battaient des ailes

L’air frais emplissait tes poumons

La neige jouait sur tes crampons

Le vent entonnait son refrain

Tu marchais vers les Ecrins

Petit air médiatisé made in France :

Et soudain, le couperet est tombé « vieux »

Ta forme s’est recroquevillée sous la sentence

Tu n’as pas vu venir les experts en aïeux

Alors que tu vivais avec la pleine conscience

De toute cette actualité tellement nourrie

Par bien des voies différentes et des non-dits

Quelles que soient tes compétences, l’humain est objet

Le sujet est décliné, et malgré ton adaptation

Il s’est généré un processus d’insertion

Pour te faire passer en une seconde de l’état actif

A l’état passif qui pourrait rapidement devenir létal

Si tu ne savais tirer profit de tes expériences en général

Voici venir le temps de continuer à croire à la vie et au présent

Voici venir si nous n’y prêtons pas attention un soleil verdoyant

Vieux tu es nommé mais la valeur n’est qu’une donnée

Vérité, contre-vérité, velléité, volonté, vertige et relativiser.

+1 seconde à la césure de la classification

©Marie Chevet

4 commentaires sur “Le confin ne ment

    1. C’est vrai, Marie questionnait la confiscation de l’élan vital avec cette soit disant ligne d’âge … mais bon, elle existait pour tous, cette restriction de liberté. La période du covid a ouvert d’une façon ou d’une autre, des ressentis d’exclusion.
      Et puis, Marie s’est posée après son partage, en méditation, dans la liberté de son être, et toute sa beauté intérieure 😉

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  1. Étonnant quand même de réaliser (porter au réel) le fait très concret (qu’existe-t’il de plus exact?) de l’âge de ses os, de sa peau, de son incarnation, de sa vie terrestre. Rares sont celles et ceux qui échappent dans leur vie humaine au passage d’un seul des équinoxes, d’un seul des solstices. Surtout à regarder au dedans de soi, dès lors que l’on porte et prête attention à son corps, à sa respiration à ce contact tellement précieux, de ses pieds au sol et de ses cheveux et ses yeux dans l’air et le Soleil…
    Mais, bon, pourquoi pas!

    En effet, oui, quelle horreur que cette confiscation de notre humanité Je nuancerai en faisant part de mon ressenti à ce sujet. Je l’ai davantage vécu comme une privation de liberté comme un enfermement par la force, sous menaces et sous contraintes avec comme en parlait Aldous Huxley (Les Portes de la Perception, L’Art de Voir, Le Génie et la Déesse, etc.) à propos de « servitude volontaire » puisque nous avons « obéi » aux ordres sous contrôles tant policiers que militaires avec surveillance numérique….

    Je suis pourtant familier de la vie confiné de manière volontaire, pour de longues périodes d’immersions intérieures, par choix et en actes décidés,

    Mais bon,

    Effectivement les temps de « confinements » ont été des plus propices aux méditations,
    Merci pour ce billet de retour sur ce temps passé, et comme déjà presque lointain….

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    1. Oui, passé la sensation de privation de liberté, de nature, alors qu’elle est toute proche, je suis entrée dans l’acceptation de cette limite donnée, dans un deuxième temps.
      Alors, je me suis sentie libre d’être là, comme j’étais là, dans une liberté que j’ai déjà connue et qu’il me plait de retrouver. Alors, oui, ce temps des deux mois est déjà au confin de nos regards, mais reste la perception aiguisée dont la liberté de pratique est à portée de tous, le partage aussi, mais qui nous échappe, quand le temps, les occupations nous emportent.
      Merci de votre passage et votre ressenti riche.

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