Quoi de neuf à terre? Le feu lèche la terre et la terre engendre encore la bio-dive -vert-cité. Enfin, jusque là, ça tient la route… Toi tu continues, jour après jour. Travailler encore, travailler encore…
Jour après jour, sur ta rampe de lancement tu te propulses jusqu’à la canopée avec toute ta clique. L’éther t’insuffle le voyage. L’échelle du temps est sans secret pour toi. Les dents de lion te sauvent de l’ornière, quand tu manques de ressource. Gaia semble toujours prête à te dépanner, à te recevoir, même sous des étoiles de mousse en guise de parapluie. Un miracle…
Enfin jusque là… Et tu continues, jour après jour. Travailler encore, travailler encore… Pause silence la nuit. Un bord de lune accroché à une branche, des entrelacs d’arbres en abri, la chouette comme voisine de crèche.
Et dès les premiers rayons du soleil, tu continues, jour après jour. Travailler encore, travailler encore… Secréter du miel parfois rouge avec du pollen d’or.
Attirée irrésistiblement par le parfum délicat des premières fleurs sur les arbres et dans les jardins, tu vaques sans relâche.
Tu vas travailler, travailler encore. Et tu vas remplir les alvéoles d’un ruissellement d’or, de nectar, de pollen à l’effluve suave. Parfois tu vas trouver autre chose que le châtaignier et pouvoir te régaler d’acacias, ou de sarrasin.
Combien cumules-tu d’emplois? J’avoue qu’après le septième, abeille, j’ai arrêté de compter : la ventilation, la fabrication de la cire, s’occuper de la colonie, le nettoyage, les soins et le service, la surveillance de la ruche, le butinage, le transfert du nectar et du pollen, la fabrication du miel.
Et puis- merveilleuse – tu sais danser, danser, et ta danse dans l’espace et dans le rythme d’un tambour invisible indique à tes congénères connectées l’emplacement des bons plans pour butiner pour le bien commun …
Dis-moi quel humain pourrait faire ça? Je veux dire un humain sans machine ni technologie ? Chapeau bas de catrin !!
Le bourdonnement finit par me bercer, pendant que j’observe le manège des abeilles autour du tilleul particulièrement odorant. L’effluve appelle la tranquillité en moi et parle de générosité, de saison, du plaisir d’être là dans ce moment sans rien faire d’autre que s’emplir de cette sensation…
« Je ne me suis jamais sentie vieille, mais grâce au confinement, c’est fait! »
dit Marie, au début de l’atelier de méditation. Adapté avec les outils numériques -qui l’eût cru?-, téléphone pour elle, visio pour les autres, nous voilà suspendus au retour de chacun, avant de commencer la séance. Et Marie est en verve.
Toutes ces règles sur les plus de 70 ans, elle les a vécues comme des mesures qui disent de façon maladroite la protection organisée.
« En voulant protéger ainsi, vous nous enlevez notre vitalité » semblait dire Marie.
La situation a révélé ce qui était là, sous l’iceberg. Une société basée sur la peur, engendre le désir du toujours comme le refus de l’aléa. Elle propage aussi la confusion par le paradoxe des annonces. Le monde du doute, de la suspicion, s’en nourrit, s’assombrit, en lieu et place de celui de la confiance et de la lumière. Savons nous ce que nous voulons nourrir, comme dit l’adage?
Que dire de l’effet déshumanisant des annonces des morts en direct, à portée d’oreilles d’enfants, du manque de lien, de la solitude ou au contraire de l’impact de la promiscuité? En retour de ce virus, j’ai fait l’expérience de l’impuissance dans un contexte où je ne pouvais m’appuyer que sur … ma respiration et le lien humain. J’y ai senti, au milieu de tout ça, l’explosion d’une liberté, celle de l’être au delà des murs. J’ai ouvert mes carnets, mes écrits en attente, et j’ai écris encore, décidée à ne plus attendre. Et j’ai beaucoup aimé partager en visio… Qui l’eût cru? Même pas moi!
Au delà de la cabane, la liberté ressentie me porte.
Alors, oui , Marie, bien sûr que je les vois tes yeux pétillants de vie, la poésie dont tu parles en t’excusant.
Regarde, comme tes mots harmonisent ton corps bandé comme un arc.
Ce corps a fait des arts martiaux; il s’en souvient parfaitement. Tu le ressens révolté à l’idée d’une confiscation de la liberté d’être.
Le paradoxe dehors agit dehors aussi : « Profitez donc » semble me dire encore une fois l’allée de roses qui n’a jamais été aussi belle que cette année …
« Un petit masque, Marie, comme un écran, n’empêchent pas les cœurs de battre ensemble… Nous traversons cela… tu le sais bien, dans l’humour aussi, toi au téléphone et nous en visio, dans le même temps. Et nous ressentons quand même l’être ensemble de façon impressionnante. Un groupe porte et soutien, quel qu’il soit. Le lien est une clé.
Une grande main te scotche par terre, et te mets à l’épreuve de la soustraction, toi qui t’agitais pour faire face, pour soigner. Réduite à l’immobilité. « Nous ça va, on tient bon », dit une amie.
Abasourdie du contexte, tu restes là, à l’écoute des signes et à planter ton drapeau de présence, à économiser ton énergie pour guérir très vite, à vouloir rassurer les autres. Mais le » oui, ça va aller » ne sort pas. Les proches n’auront qu’à décoder.
A regarder tourner le monde sans pouvoir y ajouter un geste, je sens une nouvelle fois combien la respiration est ténue, essentielle,
Combien elle me fait sourire quand elle me traverse, si ample,
Combien les oiseaux chantent sans se décourager,
Combien l’amour durera après nous,
Combien – c’est une intervention urgente – je peux laisser tomber, pensées, émotions, qui fatiguent encore , qui saturent.
Plus je respire, plus je fais entrer ces petites molécules d’oxygène, d’une drôle de façon. En les visualisant je mets leur mouvement, leur restauration, à l’intérieur. Plus j’accompagne vers la sortie, le gaz carbonique en lui donnant une forme, une couleur, plus il draine toutes ces choses inutiles dont je n’ai pas besoin , là, dans l’instant.
Alors le corps s’enfle de l’indéfinissable charme du regard allégé, qu’on appelle profond. Bienveillante densité que voilà… Le corps en entier entre dans une expérience de portance tellement douce. Une évidence vitale balaie le devant de la porte et toute la maison intérieure, une nouvelle fois. Le gardien des lieux fait rapidement le point sur les forces à reprendre, et le corps y croit, le fait sentir. Une vibration, une oscillation suffisent en langage parasympathique du corps. Il est fait pour cette finesse de changement.
Alors tu sais que la patience est guérisseuse et que les distorsions extérieures peuvent rester au delà de ton bouclier de vie. Il n’y a que la respiration et la résolution, l’amour de la vie à partager qui puisse t’atteindre, là, maintenant.
D’ailleurs, à l’heure où je vous écris, je vais bien …
drapeaux de prières au Tibet, « les chevaux du vent »
De l’explosion à l’éclosion, de la colère à la fulguration créative
Un texte écrit il y a plusieurs années, ce soir j’y repense, je le poste…
Un repas de famille qui tourne à la mauvaise humeur générale, une nouvelle qui hérisse, un accident qui énerve, un désaccord dans la relation, une société réactive. Mais que dit la colère? Un texte en fusion de moments qui cherchent à dire…
L’azur est là, en beauté évidente, dans l’après-midi d’été. Le bord de mer se laisse écouter, inspirer. Tout comme la brise qui circule et rafraichit la peau, fait sécher les gouttes d’eau, laisse un goût salé au bord des lèvres. Le temps s’étire sur la plage, soupire, le corps somnole, sous un soleil aussi éclatant qu’écrasant. Soudain, il me semble percevoir un écho…Là-bas, une querelle dans la rue, ou peut-être un cinéma, qui s’anime :
Quand tu te sens démuni, quand tu ne comprends pas ce qui arrive, écoute la vie qui circule en toi.
C’est comme un flux le long d’une île assiégée par les vagues, où l’eau trouve toujours son chemin, comme tout problème une solution.
Tentative de solution échouée ? Peut-être pas la bonne solution.
Ça commence par une poubelle lancée violemment par le Mistral sur la voiture en marche, dans une rue, au centre de la Ciotat. Evitée de justesse, elle explose le rétroviseur droit. Sortie de je ne sais quelle impasse. C’est curieux. Un effroi silencieux saisit les passagers puis une colère éclate.
Pourquoi, ce volcan dévoreur réveille-t-il en miroir, l’homme et la femme ?
Où sont les besoins à dire ? Sont-ils mangés ?
Et puis le vent, soudain semble injurier les arbres, les secouer comme les épaules d’un ennemi… Brouillon, mauvais caractère provençal. L’homme en est prisonnier.
La guerrière est réveillée, même si elle préfère vivre le cœur ouvert sur la souplesse des mots. La rafale attise le simple mégot tiède du négligeant, la braise du contrebandier, du pyromane des collines. La montagne s’embrase, sans discernement lorsque vent et flamme folle s’enlacent. Le tourbillon des danseurs est désastreux.
Les mauvais feux solaires du masculin et du féminin brûlent stérilement, ignorants la profondeur de leur être.
L’un provoque, allume la flamme, et l’autre souffle sur la braise, comme avant, sur le foyer du camp. Mais où est passé le gardien du feu ?
Quel mot perdu, quels maux, l’explosion cache-t-elle ?
Et ce vent, dans sa façon insistante et répétitive de secouer les volets, semble une entité malfaisante. Les serpents sortent des trous et les langues s’aiguisent.
Amenée par une tornade d’un ancien temps, la colère avait besoin de corps pour s’embraser.
Aussi vrai que l’amour a besoin de corps pour enlacer, embrasser.
Pauvres marionnettes.
La mer toute ridée hier, comme soucieuse, est d’allure magnifique ce matin.
Que pourrait calciner ce feu pour être régénérateur ? La répétition du scénario ?
Mais, regarde, regarde, voyageur, gare à la forge maléfique où peut se fabriquer un soufflet amplificateur plus grand encore. Personne n’en bénéficiera. Quoi que… Qui se nourrit du mauvais tison, d’une trace ancestrale, à son corps défendant ?
Un écho, un ego sans signification se perpétue dans le couloir du temps.
Ça commence par une poubelle lancée violemment puis la terre éructe en désordre son indigestion.
Alors, comme tout est dit, tout est libre de repousser, si l’intention est posée. Ouvrir la porte du malentendu. Mal entendu ? Pardon, c’est entendu.
Une résolution.
La Méditerranée nargue l’homme et la femme, le cap Canaille aussi.
Enfin, les corps peuvent respirer, se remplir de douceurs, comme l’oreiller du matin que l’on tapote.
Faire ensemble, il leur semble.
Ouvrir le cœur, comme on ouvre les volets, sur la surprise d’un beau paysage, d’une chevauchée à deux aux parfums sauvages et au vent caressant.
La terre accouche d’un couple.
Comme les compagnons d’Ulysse, il avait ouvert l’outre d’Eole par imprudence, et libéré les vents contraires.
Combien de volcans les hommes de cette terre, de Méditerranée et d’ailleurs auront-ils besoin de faire exploser avant de faire la paix ?
Avant même de commencer la guerre, la paix les attend déjà.
Et patiente, encore, silencieuse.
Regarde, regarde, cette lumière au reflet singulier. Ça change tout ! Un arc en ciel ? Il semble si proche, c’est doux, un cœur de soie ? Non, au cœur de soi ! Oui, toujours, l’élan vital jaillit de quelque part et de toute part.
Peut-être sera-t-il seul sur une terre polluée, stérile et déserte, peut-être est-il déjà partout, semant, comme des petites graines fantaisistes, ici la paix et là, l’amour, l’humour aussi, et toutes ces couleurs singulières, en chaque être humain !
C’est un air qui colle et fait décoller, de Charybde en Scylla, jusqu’à la découverte du passage, du pas sage, c’est possible, car ce n’est pas sérieux, de l’arme honnie à toujours plus d’harmonie. Ecoute, écoute !
Le temps de me poser pour écrire ou lire m’a manqué ces temps-ci… Il fallait tracer, faire, suivre le mouvement trop rapide, s’oublier, jusqu’au warning, cet agacement qui me ramène à l’oscillation intime. Je reviens déposer une poésie du bourgeon, de l’émergence, face à la culture de l’urgence…