Etrange et beau

#agendaironique

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Deux amoureux devant la mer respirent l’air iodé. 

Assis sur le muret, les pieds dans le vide, ils scrutent le lointain, le mirage des trois-huit marins. Sereins…

( L’énigme de l’océan dérobé puis restitué ayant été résolue  : pour plus d’informations, lire les faits, contés par Carnetsparesseux et Laurence dans de précédents agendas ironiques). 

Le mouvement lancinant des vagues, leur musique impérieuse, rythment l’horizon. Elles réjouissent nos deux chéris.

En contrebas, la danse d’un cerf-volant, esquissée au fil de la tendresse entre père et fils. Le vrombissement de l’engin face au vent qui se lève, arrache des cris de joie à l’enfant.

Sur le muret, la femme enfonce son bonnet et l’homme cale contre lui son sac à dos. 

Au fur et à mesure du ressac, l’île se forme devant eux.  Elle surgit comme la veille, langue à géométrie variable, visible à marée basse. 

Des fans de cyclopousse à voile- un sport nouveauté 2021 « slow tourism » de la station balnéaire- s’approchent, l’espace de quelques heures, pour profiter de la terre blonde, éphémère et sableuse. 

Des promeneurs se croisent. Ils s’amusent d’observer les reliefs et couleurs de coquillages striés comme des pulls marins. 

Au loin, l’écho de la fine ligne de vagues, écumeuses d’horizon, convoque, sur la grève, l’image d’un lagon bleu transparent. Un temps en suspens… 

Derrière les deux amoureux , se tiennent deux mouettes, plus blanches qu’une fleur de poirier. Elles ne perdent pas une miette de la geste des humains. 

Toute ouïe,  leur bec est tourné dans la même direction qu’eux. L’un des deux volatiles fait des aller-retour fébriles et revient à son poste, derrière la femme au bonnet.  L’autre, immobile, lorgne le sac à dos de l’homme, et, de temps à autre, tente de le picorer en vain, en allongeant son cou.

Les deux mouettes collent insensiblement le dos de l’homme, de minute en minute, en décalant latéralement leurs pattes, par petites touches. Elles voient soudain l’humain se tourner vers la besace. 

Elles se regardent, vivement intéressées, se rapprochent encore.

« Écoute bien » graille soudain l’oiseau le plus près de l’homme : Le sac va produire un bruit étrange et beau … Dès que tu l’auras entendu, tu fonces droit devant et toutes deux, nous emporterons le garde manger qui est caché l’intérieur ».

C’est alors que l’homme eût à peine le temps de dézipper le sac à dos, de dégager le noeud du pochon de sandwiches, que les deux volatiles partirent à coups d’ailes lourdes, en emportant cette pitence vilement acquise. 

Point de corbeau, point de renard. 

Un sandwich au fromage sans doûte, pour une histoire de marée inouïe depuis tant de temps et de mouettes privées de touristes et de leurs curiosités, pour, assez folles, de rieuses en devenir picoreuses ou joueuses.

©Véronique Bonnet 2021

Voilà pour ma participation à l’agenda ironique organisé ce mois-ci par Laurence Delis, de Palette d’expressions. Quel était le sujet? : c’est ICI

(En résumé il fallait : Ecrire un texte contenant la phrase  » un bruit étrange et beau » du roman graphique de ZEP, y insérer 3 mots : ïle, cyclo-pousse, poirier)

Sur la plage en fin de semaine dernière, j’observais le manège de ces deux mouettes quand le doux bruit de la mer m’a rappelé d’écrire un petit KEKCHOSE pour l’agenda ironique …

Wu Shu : agenda ironique de fée Vrillée 2021

#agendaironique février 2021

De la poudreuse partout. Wu Shu souffla dans le blanc et déblaya le passage. Il est facile de déneiger pour un dragon. Sous le souffle chaud, la cime des arbres, la tête des arbustes s’ébrouent, les primevères et les crocus émergent, fringants de vert, de jaune et de violet.Wu Shu battait la neige de son arrière train, inlassablement, marchait, accompagnait la nature, dans l’intime des rouages du vivant. Wu Shu portait son attention sur chaque chose. dans les moindres recoins. Elle savait le fil de la merveille, même derrière le parterres de petites fleurs naïves.
Larmes de rosée changées en diamants éphémères, givre brûlant à l’aube, croutes de glace de la rivière, elle passait partout. Chacune de ses ondulations soulevait ses écailles aux reflets arc-en-ciel.Pour la première fois de la saison, elle croisa Rêve-Herbert, la luciole qui la somma sur le champ de laisser la neige en place, car la mode était au duvet blanc dans le coin. Wu Shu lui lança un oeil glacé.« Si tu ne le sais pas, tu n’es qu’une ignorante » continue la luciole.Wu shu se garda de répondre que dans le monde des dragons de la nature auquel elle appartenait, chasse avait été faite à l’ignorance, à l’avidité, à la colère.

« Rêve-Herbert, si tu continues à m’assommer de réflexions, je vais te donner matière à râler… La neige qui dure, ça va ralentir ta métamorphose. Alors, cet été il faudra te démener encore plus pour batifoler avec une femelle si tu arrives après tous les autres ! ». Chacun sait que dans la logique des dragons, il faut faire attention à ce que l’on dit car l’on finit par l’obtenir.

Ce n’est pas dans l’ordre des choses de manigancer. Mais râler n’était pas non plus dans l’ordre des choses, sur le plan de la forêt. La luciole qui n’était pas une lumière se le tint pour dit. Wu Shu pouvait en effet faire éternuer la lune, ça rentrait dans le plan des astres qui, parfois ne savent plus à quel saint se vouer, ce qui dérègle les saisons.Wu shu était plus qu’un souffleur d’air chaud. C’était un souffleur de vie, un insuffleur de vitalité. Ça, l’énergie, personne n’aurait pu dire ce que c’était, pas plus au temps des dragons que maintenant, mais tout le monde en voulait! Enfin, à ce qu’on dit. Mais pour quoi faire?Wu Shu s’en fichait, elle inscrivait la patience dans le cycle, elle réenclenchait la roue. Et son moment favori était le printemps …

Elle aimait voir naître les petits d’animaux, faire monter la sève dans chaque plante et arbre, peaufiner la lumière claire d’un lever de soleil, comme un premier jour. Ça l’amusait d’observer les humains sortir de de leur torpeur hivernale, les voir tout ébaubis devant le renouveau du cosmos. Bien sûr, les êtres dragons de la forêt étaient nombreux. Du réveil de la nature, pourtant, certains s’en méfiaient. Je veux parler des dragons noirs aux relents méphitiques des profondes heures dont il ne faut pas prononcer le nom, même pas en baragouin de peur de les réveiller …Si Rêve-Herbert fut facile à dérouter, Wu-Shu se souvint avoir dû, certaines années, se faire aider par les dragons cracheurs de feu, ceux qui font dévaler les torrents sur un clin d’œil d’Uranus.Ce qu’elle aimait, Wu Shu, c’était mettre en avant la beauté, comme la forme parfaite du flocon de neige. Elle assistait d’ailleurs le travail d’orfèvres des membres de la confrérie des dompteurs de feu. Elle ne se doutait pas que dans le futur, les dragons seraient représentés en papier, lors du défilé au nouvel an chinois, aux prémices du printemps. Non! Dans les temps anciens, Wu Shu rappelait aux humains l’attention aux choses et aux êtres. Elle leur apprenait à manier l’intention de la couleur du fil.Mais c’était moins amusant que de faire fondre la neige vaporeuse. Les dragons restent facétieux dans le fond…
C’est dans cette lignée de souffleurs que Wu Shu œuvrait. De saisons en saisons, il y eut tant de détracteurs que le gardien de la forêt multiplia les dragons pour chaque famille d’arbre, de plante, d’animaux puis d’humains.


Wu Shu devint dragon de maison. Son effigie était gravée sur une boîte à bijoux en laque rouge et dorée, sortie du bazar de Pingyao, la ville aux cent mille lampions rouges.
Quand Wu Shu se posait le matin sur le coeur de Manu qui rêvait, celle-ci s’éveillait quelque part, dans la sensation d’un voyage.Aux confins des limbes du pacifique, Manu commença son vendredi.(NB : Manu n’habite pas en Asie, chers lecteurs, car chacun sait qu’en Asie les dragons n’ont pas d’ailes, et justement Wu Shu se sentait pousser des ailes).Manu n’aimait pas l’opéra chinois que son voisin mettait à tue-tête à côté. ( Elle avait l’impression d’entendre des chats écorchés chanter avec une girouette rouillée en forme de buffle). Elle ajusta son casque aux oreilles et opta pour un tube d’Imagine Dragon.

« Believer » ( cliquer ICI pour voir Imagine Dragon BELIEVER).

Et en se rendant à son travail, elle se mit à fredonner:

« Il y a, Ceux qui allument les feux de joie , Ceux qui s’émerveillent de l’éclosion, Des saisons, Ceux qui les crament, Ceux qui rêvent, Ceux qui agissent, Ceux qui ne font rien »

Manu se sentait un peu tout ça.  Wu Shu le savait. Affaire de saison …  Les veines sous sa peau de dragonne (rien à voir avec le lien des bâtons de marche nordique),  se gonflèrent de vitalité contagieuse, qui est la marque du printemps ( rien à voir avec les soldes ). Son avatar d’été verra bien comment prendre la suite… 

©Véronique Bonnet 2021

Texte pour ma participation à l’Agenda Ironique de 2021 organisé ce mois-ci par Frog du blog « in the writing garden ». De quoi s’agissait-il? D’hydres et chimères. Toutes les explications sur le sujet ICI, chez Frog

Une semaine en ville : agenda ironique de janvier 2021

#agendaironique

Raconter une semaine en ville inconnue, réelle ou imaginaire à la Calvino. Y insérer une liste en sept points, le nom Onésime, le mot réverbère. Y mettre à discrétion une pincée d’agenda et une autre d’ironie. Voilà ce que proposait Carnetsparesseux ce mois-ci dans le jeu d’écriture itinérant, j’ai nommé « l’agenda ironique ». Pour les explications plus complètes : C’est ICI.

Au pied du réverbère, il fouille le fond du cabas. Avec ces lampadaires basse consommation dernier cri, on n’y voit plus rien, et ce matin, c’est purée de pois… Monsieur Ledoux s’agite. Il se souvient qu’il y avait sept choses à faire sur la liste, ça ne devrait pas être difficile de la reconstituer s’il ne la retrouve pas. Enfin ça, c’est vite dit. Sa fille appelle ses petits bouts de papier griffonnés son « rappelle-tout ». C’est dire si c’est important.

Elle est gentille la fille de Monsieur Ledoux. Elle travaille à la pharmacie. Elle va livrer les médicaments des personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Et les gens lui rendent bien. Par exemple l’autre jour une petite dame qui s’était fait livrer n’avait pas la monnaie. La fille de Monsieur Ledoux lui a dit « c’est pas grave ». Et bien le lendemain matin, ni une ni deux, la dame était dans la pharmacie pour rendre la monnaie. La fille de Monsieur Ledoux était une peu verte quand même : » Ben si vous êtes là ce matin, c’était pas la peine que mon GPS se perde dans votre campagne hier soir.

-Pour sûr, si, c’était gentil de venir me voir. Et puis là en plus de la monnaie, je venais vous prendre la boite de Dolicrane que j’ai oubliée de noter sur ma commande ». Les listes, c’est important…

Le matin avant d’aller travailler, la fille de Monsieur Ledoux va porter les courses qu’elle fait à son père depuis cette semaine. Elle lui dit ce qu’elle a trouvé ou pas au magasin, et laisse le filet de Garofour sur le palier. Lui, fait un signe de la main et la regarde partir par l’ascenceur. Aucun son ne sort de sa gorge. Puis il ferme doucement la porte, saisit son chapeau, son manteau, les clés de voiture et sort acheter son journal dans la galerie de Garofour. C’est important d’avoir le journal le matin…

C’est si bizarre cette semaine en ville. A croire la télé, c’est la guerre. Monsieur Ledoux, lui, il a connu la guerre. Paris bombardée, il l’a entendue depuis son dortoir, tout seul, quand les autres étaient chez eux. Il se souvient quand il rentrait de la pension, tout gamin, le vendredi soir, avec un copain, mais parfois seul. Dans le train qui parcourait la campagne il lui est arrivé de voir depuis la fenêtre les avions bombardiers passer. Le ciel se barrait d’éclairs et la ligne des collines avait un éclat bizarre. C’était tombé quelque part. Mais quand il arrivait au village, tout allait bien. Jamais il n’aurait eu l’idée de raconter cette histoire à sa famille à ce moment là. D’ailleurs il ne l’a jamais racontée non plus plus tard à ses enfants et petits enfants. Juste au gérant de son restaurant préféré du midi… Et encore, il lui en avait parlé parce qu’ils ne se connaissaient pas depuis longtemps.

« En ville étrange, j’erre » avait -il dit en passant à celle qui s’est installée depuis peu au rez-de-chaussée. Et il lui demande aussi où était parti son cousin Monsieur Onésime qui était venu quelques jours lui rendre visite. Un gars sympa qui avait l’air de bien vadrouiller : Parti après avoir écouté les nouvelles à la radio.

Tout fonctionnait parfaitement jusqu’à ce matin humide, sous le réverbère. Il retrouve la liste dans sa poche. Ça le rassure les listes:

-acheter une carte d’anniversaire à ma fillefaire changer les deux lampes du couloir par son ffaire changer les deux lampes du couloir à mon fils

-faire changer les deux lampes du couloir par mon fils

-lui faire acheter les lampes aussi

-demander comment on installe le bridge sur la tablette à mon fils;

-et s’il ne sait pas, lui demander d’installer des sodoku sur la tablette. Sinon demander à Monsieur Onésime s’il est encore là, il est débrouillard en ordinateur

-demander à mon fils de réparer le radiateur près de la télé ou acheter un bonnet

-demander à mon fils ( ou à un autre de mes fils) de m’expliquer le niveau médium du vélo d’appartement que j’ai eu à mon anniversaire

-acheter le journal

Et puis sans savoir comment, dans ce brouillard à couper au couteau, Monsieur Ledoux trébuche et tombe de tout son long sur le parking de Garofour. Il crie à l’aide très fort bien sûr. Un vigile du centre commercial se précipite.

« Faites attention , dit-il à celui qui le ramasse. Je suis sous anti-coagulants, je saigne beaucoup. Ni une ni deux, Monsieur Ledoux se retrouve alors dans une ambulance qui l’amène aux urgences. Il en sort deux heures plus tard avec un bandage du poignet droit, une suture de l’avant bras et un sourire ravi. Ils sont tellement aux petits soins là-bas. Et puis, c’est quand même animé les urgences à l’heure de pointe, ça distrait, c’est vivant… Sa fille qui vient le chercher fulmine de le voir là en pleine épidémie …

Mais non, faut pas … il y a un temps pour tout. Monsieur Ledoux fait le confinement puis il a besoin de sortir, de prendre un temps où il peut bouger, voir du monde. Alors s’il peut voir du monde, le personnel hospitalier par exemple, il pourrait peut-être voir sa fille? Ben non, c’est une soignante, elle voit trop de gens à risque…

Aux dernière nouvelles, Monsieur Ledoux fait ses courses lui-même depuis cet épisode. Mais au deuxième confinement, il se sent seul. Il décide d’aller en maison de retraite pour personne valide. Après avoir tourné et viré dans la région, il choisit le lieu idéal. Pensez donc, un restaurant tous les midis sur place. Il emménage dans un studio tout neuf. Ça dure très exactement 4 jours – quatre – l’affaire. Puis au matin du cinquième jour, Monsieur Ledoux prend rendez-vous avec la directrice et décrète qu’il ne va pas moisir ici. Au restaurant beaucoup sont très invalides et qu’il n’y a pas grand monde qui parle de foot. Sa fille lui fait remarquer que malgré son grand âge, il est dans les plus vifs parmi ceux qui vont au restaurant de l’établissement. Mais il peut aussi faire la popote dans son studio. Non, pas de temps à perdre…

Ni une ni deux, il fait redémonter la télé par un de ses fils et revient en ville. Il trouve qu’il a exagéré cette peur de tomber, et qu’un bracelet électronique de surveillance fera l’affaire. Son appartement lui semble à nouveau plein de charme, et il va faire ses petites courses en voiture ou à pied. La contrainte du masque, il en fait son affaire.

©Véronique Bonnet 2021 

Coquillages et coquecigrues

#agendaironique

Cet été, c’était donc retour à la plage… d’une façon ou d’une autre avec le thème proposé par IOTOP, du blog  » le dessous des mots » pour l‘agenda ironique d’Août 2020 (KECEKECE ici l’explication de ce jeu d’écriture ou : ICI). Dans l’envie  de souffler, de partager, de rêver, de laisser  venir l’inspiration, au gré de l’imagination, de marcher, de rire, de bouger, de ne rien faire, de s’émerveiller devant la vitalité de l’été, tout est là. Un thème : la plage, réelle ou pas, des mots imposés en contrainte d’écriture ( flot, argile, perche, monoï).
Donc ma participation, limite dans la plage ( avant le 26/08) , la voici :

Un coquillage posé sur une étagère comme autrefois sur la plage, dans un ailleurs intemporel… Bien sûr que même sans approcher l’oreille de la conque, chuchotent déjà en moi les flots bleus, le ressac et les vagues lentes. Cette danse lancinante que j’aime s’anime.

Plage d’été, plage arrière, plage d’un CD, plage de silence… Sans pause, pas de rythme, pas de musique, pas de respiration. Le retour à la plage, c’est une oscillation, d’une façon ou d’une autre et l’inspiration d’un voyage.

Allongée sur le ventre, dans la chaleur de l’été atlantique, les pieds battent dans le sable et retombent dans le creux frais dégagé par les orteils.

Le chapeau de paille laisse passer une discrète brise. Elle sèche les gouttelettes de sueur qui perlent sur le front, le bord des lèvres… C’est salé. L’océan est si présent en moi que je m’imagine être ce coquillage de la grève, plus près des vagues voluptueuses qui s’écrasent à grand fracas sur le sable fin.

Les cheveux humides ont le parfum du monoï ; l’ombre aérée du chapeau me rafraichit et laisse filtrer des raies de lumière. L’odeur de la paille chaude sur ma peau. Je ne sais plus si je suis à la campagne ou à la mer. Je sais m’étaler mieux que mon chat et je le prouve en m’étirant encore plus…

Une vague fait crier au loin. Je me souviens amusée du temps où j’étais la grande perche qui sautait avec délices dans les vagues. Je lève un coin du chapeau, ouvre un œil, soudain attentive au mouvement, à la couleur changeante des flots.

Le va et vient de l’eau lèche la grève, l’épouse, se retire avant un nouvel assaut. C’est beau la nature… Le coquillage en a été délogé et se fait ravir par une grande lame. Des cris en cascades et des tombés de corps en rafale lorsque les pieds des baigneurs semblent d’argile, pris par un courant. Ils ressortent tout pailletés de sable dans les cheveux et reviennent vers moi.

Je replonge le nez dans la chaleur sèche de mon bord de serviette, pas du tout sûre de vouloir être éclaboussée au creux de ce délice circulaire.

©Véronique Bonnet

Neuf villes invisibles pour l’an neuf …

#agenda-ironique Par ici pour voter…

Pour l’agenda  ironique de janvier, Janus, mois du passage, s’il en est, je vous demandais d’écrire un « road trip », une déambulation , seul(e) ou accompagné(e), dans une ville, connue, inconnue, imaginaire, terrestre, maritime, céleste… Vous pouviez choisir l’endroit que vous arpentez tous les jours, mais aussi le passé ou le futur. Vous pouviez vous inspirer du livre  » les villes invisibles  » d’Italo Calvino, ou pas trop... Bref, tout était possible! … mais…  Les mots suivants devaient figurer : entrechat, rampe, jaquemart, topinambaulx, dents, dindon. Et le texte devait se finir par la célèbre phrase du petit prince  «  L’essentiel est invisible pour les yeux » 

Lien : https://poesie-de-nature.com/2020/01/04/les-villes-invisibles-agenda-ironique-de-janvier/

Neuf villes invisibles ont vu le jour! J’ai eu grand plaisir à les accueillir, dans leurs différences et dimensions singulières… Vous avez jusqu’à la fin du mois pour terminer de lire et choisir les 3 textes que vous préférez, que vous soyez participants au jeu ou lecteurs de passage (bienvenue à vous! ), et désigner le prochain organisateur pour février, à l’aide des SONDAGES TOUT EN BAS… A bientôt !

-Jobougon : La vibration laisse émerger le grain de sable qui est là : https://jobougon.wordpress.com/2020/01/05/la-vibration-laisse-emerger-le-grain-de-sable-qui-est-la/

-Patchcath : De beaux voyages à raconter :

https://patchcath.wordpress.com/2020/01/15/de-beaux-voyages-a-raconter/

-Poesie-de-nature : Orient express :

https://poesie-de-nature.com/2020/01/14/orient-express/

-Poesie-de-nature : Colores del corazon:

https://poesie-de-nature.com/2020/01/19/colores-del-corazon/

-Victorhugotte : Sextine des villes invisibles

https://victorhugotte.com/2020/01/20/sextine-des-villes-invisibles/

-Chachashire : Sijilmassa :

https://chchshr.wordpress.com/2020/01/21/sijilmassa-agenda-ironique-de-janus-2020/

-Carnetsparesseux : noir d’encre :

https://carnetsparesseux.wordpress.com/2020/01/22/noir-dencre/

-Palette d’expressions : De villes visibles en villes invisibles

https://palettedexpressions.wordpress.com/2020/01/22/1464

-Les mots autographes : Guerre et paix

https://jacou33.wordpress.com/2020/01/25/agenda/

+ une hors délai, mais pas des moindres… par Iotop, « le hasard se lève »

https://ledessousdesmots.wordpress.com/2020/03/17/le-hasard-se-leve/

©Véronique Bonnet

Voici Février et les résultats de notre sondage… : c’est donc le texte Laurence de Palettes d’expression qui est choisi en premier, suivi de Jobougon puis Carnets paresseux!

C’était une chouette récolte ! L’agenda continue ses pérégrinations en février : allez voir chez Jacou « les mots autographes », pour découvrir la nouvelle forme du mois, si Jacou veut bien prendre en charge l’organisation du nouvel AI!

Un grand merci et un grand bravo pour vos participations

https://ledessousdesmots.wordpress.com/2020/03/17/le-hasard-se-leve/

A très bientôt !

Véronique

CHOISIR 3 VILLES INVISIBLES :

Les villes invisibles ( agenda ironique de janvier)

#agenda-ironique




« Les villes comme les rêves sont faites de désirs et de peurs, même si le fil de leur discours est secret, leurs règles absurdes, leurs perspectives trompeuses; et toue chose en cache une autre.

-Moi je n’ai ni désirs ni peurs, déclara le Khan, et mes rêves sont composés soit par mon esprit soit par le hasard.

-Les villes aussi se croient l’oeuvre de l’esprit ou du hasard, mais ni l’un ni l’autre ne suffisent pour faire tenir debout leurs murs. Tu ne jouis pas d’une ville à cause de ses sept ou soixante-dix-sept merveilles, mais de la réponse qu’elle apporte à l’une de tes questions. »

Les villes invisibles , Italo Calvino, ed Folio

Merci de m’avoir désignée pour organiser l’agenda ironique de janvier… Je choisis de poursuivre l’invitation au voyage . De quoi s’agira t-il? 

Les cartes nautiques merveilleuses de Joan Martines proposées par Carnetsparesseux le mois dernier comme thème pour l’AI, m’ont fait dériver sur « les villes invisibles » d’Italo Calvino »… ce merveilleux dialogue imaginaire entre Marco polo et l’empereur Kublai Khan. 

« On ne voit bien qu’avec le coeur. » leur aurait dit le petit prince . 

Pour l’agenda  ironique de janvier, je vous demande donc d’écrire un « road trip », une déambulation , seul(e) ou accompagné(e), dans une ville, connue, inconnue, imaginaire, terrestre, maritime, céleste… Vous pouvez choisir l’endroit que vous arpentez tous les jours, mais aussi le passé ou le futur.

Bref, tout est possible! … mais… 

Les mots suivants devront figurer : entrechat, rampe, jaquemart, topinambaulx, dents, dindon.

Et le texte devra se finir par la célèbre phrase du petit prince 

 «  L’essentiel est invisible pour les yeux » 

A vos claviers si le coeur vous en dit… Nous sommes impatients de vous lire!!

… Pour rappel : Vous pouvez déposer vos textes jusqu’au, disons, 27 janvier, en commentaire, ici. Cela nous laisse temps et loisir de lire, et choisir les 3 que vous préférez. Je ferai une page récapitulative et sondage ( je vais refouiller dans WordPress pour retrouver comment faire le tableau en question …)

A vos plumes! Le premier texte est déjà là, de toute beauté …

Je vous souhaite une belle année 2020!

Véronique

Et pour savoir tout sur l’agenda ironique :

https://carnetsparesseux.wordpress.com/lagenda-ironique-kezaco/

https://differencepropre.wordpress.com/agenda-ironique-ou-es-tu/

Au nom de l’île

voyage au bout-de-l’an

#agenda-ironique décembre

Atlas nautique de Joan Martines 1582

Le nom de l’île lointaine, c’est ce qui m’avait attiré d’abord. Mon doigt dessinait le trajet sur la carte portulan. J’y songeais, depuis des semaines, dans les pleins, les déliés, les cursives à l’encre rouge et noire, entre les bateaux et les drapeaux de l’atlas Gallica. Cette île m’attendait. Là dans la blancheur, sous le soleil éclatant, prête à l’éclate des corps et des sens. Avant j’imaginais des aventures à vingt-cinq kilomètres à l’heure, sur ma mobylette, au côté de mon frère. Maintenant je testais je sentais je goûtais j’absorbais la lumière les couleurs les musiques, les sports, les rencontres, sûr que chacune d’entre elles contenaient un secret. Je voulais le percer, le posséder, le proposer à mes clients. Il m’échappait, je recommençais, il fallait que ça crache, que ça brille, que ce soit singulier et exceptionnel, même dans la simplicité. Et puis quand le soleil tombait, quand la fleur se fanait, quand la musique devenait monotone, après la fête, je restais confusément à sentir l’odeur du vide. Ainsi tout ne serait que feu follet, et moi témoin un peu triste ?

« Tu as une âme d’explorateur », j’ai souvent entendu cette phrase depuis l’enfance. Un peu aventureux, impétueux, peut-être, je vous le concède… C’est bientôt Noël, j’ai le temps de m’offrir nouvelle aventure.  La pulpe de l’index caresse le papier du moulin Richard de Bas. Derrière le secret de ce papier, l’inclusion de ses petites fleurs bleues et jaunes, se cachent la bataille de Samarkand, en 571, le prix des hommes en d’autres temps.  Samarkand… Née au VIIIe siècle avant JC comme Rôme, elle soutient le destin mystérieux, brillant et tragique des villes antiques. Leurs multiples dimensions m’attirent. Les multiples dimensions m’attirent. Entre réel et consommations de sensationnel, j’étudie toute proposition.  « Je n’aime pas l’eau claire, C’est la faute à Voltaire, J’aime le curaçao, C’est la faute à Rousseau. »

Un jour pourtant, j’ai arrêté de tester de sentir de goûter d’absorber. La volition devint collision. Le nez par terre, la faute ni à Voltaire ni à personne. J’ai fais ma révolution, le tour de moi-même. Pas même le temps de ressentir l’amertume… Après le crash, j’étais là, à regarder devant, sans sourciller. Touchant ma peau écrevisse, je me mis à maudire le soleil mordant, moi qui venait pour me dorer à son contact. Je mangeais le sable blanc dont je rêvais, les yeux à hauteur des coquillages, l’écume au bord des lèvres, le reflet vitreux couleur d’huître sur les pupilles. Une place supplémentaire dans ce vol privé avec mes meilleurs potes, c’était une aubaine australe. La tempête qui nous a engloutie, un coup d’arrêt, mortel.

Les soleils et les nuages bleus dansent devant moi. Entre les scialytiques et l’agitation des blouses bleues, l’image de ma famille me poursuit. C’est bientôt Noël. Ils sont si loin, ou alors c’est moi qui le suis déjà … Cet Atlas, la valse des navires autour des continents, les drapeaux tendus … C’est pour le mystère de ces cartes que j’ai tant aimé les voyages, c’est pour l’exploration jamais atteinte, ces villes invisibles, comme ces terres oubliées, ces animaux disparus.  Tant de de temps à sentir le grand livre de cuir, à suivre le contour de l’Afrique, tracée comme une grande roue, à choisir l’esprit un peu tatillon avec quel bateau j’allais chevaucher les océans. Voulais-je voyager ou me perdre dans l’immensité de l’imaginaire ? Voulais-je apprivoiser le chaos, le tranchant de la vie? Tout semble avoir une saveur extrême, là, maintenant, dans la lumière de l’inconnu, une porte, un autre monde à découvrir …. Peut-être… Courte échelle, demain, gouffre… Non sens.

Soudain, la carte disparaît, le paysage aussi.

Quand la croyance meurt, le vernis craque… Homme-ici-deux…

C’est alors que l’homme se réveille, sent sa poitrine monter et descendre, à nouveau. Rien d’autre ne bouge. Le contact du drap rêche lui fait ouvrir les yeux. Et pour la première fois de sa vie, il trouve que les chaussons énormes surmontés de deux oreilles ridicules, posés là sur la table blanche en face sont les plus beaux du monde, les plus drôles aussi…

Une petite voix lui fait lever les yeux.

-Joyeux Noël Papa! Tu nous a tellement manqué… 

©Véronique Bonnet

Ce mois-ci, l’organisation de l’agenda ironique revenait à Carnetsparesseux qui nous proposait d’écrire un texte, un « voyage au bout-de-l’an » dont l’inspiration part des cartes de voyage de Juan Martines, avec quelques contraintes de mots… Les détails du jeu d’écriture et les participations du mois : ICI et LA

Agenda Ironique de Septembre 2019 — sur le blog de Différence Propre et Singularités

Si je comprends bien, ça s’annonce compliqué…Le thème de l’agenda ironique organisé ce mois-ci par DIFFERENCE PROPRE ET SINGULARITES , C’EST JUSTE EN DESSOUS, sens dessus-dessous !

Nous sommes le 9 septembre 2019, soit le neuf neuf 2019. Il ne faut pas mettre tous ses neufs dans le même pas-nié, nous dit le proverbe. Donc déjà nous savons que l’ironie de ce mois portera sur les révélations qui surviennent au moment même où les conséquences de ce qui est révélé sont […]

Agenda Ironique de Septembre 2019 — Différence Propre et Singularités

Paysage d’Août : agenda ironique

Immergée dans ce temps de vacances, découvertes, flemme, respirations, stage de danse, je poste à temps ma participation à l’agenda ironique d’Août organisé de main de maitre par Bastramu, et il reste une semaine pour nous lire !

On était partie en pleine nuit, pour arriver avant la forte chaleur à Sanary-sur-mer. Le rendez-vous annuel… Ça faisait deux jours qu’on avait du mal à dormir, excités par la perspective de revoir la Méditerranée. On avait ressorti les affaires d’été, tout chargé, même le vieux canoé pneumatique que mon père avait eu en cadeau, une année, à la station Fina. Jamais à deux dedans, on y faisait attention. 

Pour l’heure, on dormait à trois sur la banquette arrière de la R16. Tout allait pour le mieux, la plage nous attendait, nos amis, les cornets à la vanille- je préfère chocolat- non, pas tous les jours, tu vas avoir mal au ventre- et nos seaux et râteaux aussi. On n’avait qu’à dormir et se laisser transporter. Au réveil, on serait arrivé.

A l’entrée d’Arles, pourtant la catastrophe nous attend. Mon père le redoutait, ce fameux embouteillage. Le responsable, un noeud routier, un entonnoir – Comprends pas – .

« Il fait déjà 35eC dans la voiture » dit ma mère. On se réveille tout moites à l’arrière, avant la terre promise. Clim, connaît pas encore. La stratégie de partir en pleine nuit, il semble soudain que tout le monde l’ait eue et converge au même endroit. A droite, une Citroën a doublé de hauteur, avec ce qu’il y a sur la galerie. Cette vision du voyage nous fascine.

Cramoisis à l’arrière, les enfants transformés en chiens et chats boufferaient le premier bout de chair à leur portée. Mon frère à la fenêtre leur tire la langue et me décoche un coup de genou. 

L’odeur de vieux plastique du bateau Fina monte dans l’habitacle avec la chaleur et la mauvaise humeur frôle et bouscule. On n’a plus sommeil, mon frère, ma soeur et moi. La voix persuasive de ma mère y croit de moins en moins. La joute verbale commence à fond, il ne manque que les gants de boxe. L’exaspération et l’impuissance sont à leur comble. 

-Marion, pousse ton gros derrière…

-Lucie, essaie de fermer les yeux encore  un peu…

-Mais Maman, Marion met son gros derrière sous mon nez!

-J’ai pas un gros derrière ! 

-Et pousse tes pieds, Laurent!

-Calme toi Lucie!

-Ce n’est pas juste, je suis au milieu, je ne sais pas comment me mettre! 

« Non, je me tourne! » fait le frère narquois devant la vitre à sa disposition.

Jamais eu aussi chaud, surtout après que ma mère confirme « on traverse un four… Ça frôle les 40eC… » . N’y aurait-il donc d’autre à mordre à part la main de mon frère?

On va faire un sort au canoë de plastique, au minimum. On déclare qu’il sent trop mauvais. Là, d’un coup, on se met tous d’accord pour la mutinerie. 

Mon père se tourne vers nous,  hoche la tête, et oblique sur le bas côté, près des marchands de fruits de saisons. On s’arrête boire, manger un bout, se relaxer. Ça sent bon les herbes sèches, les abricots mûrs, les pêches et les brugnons.

Déguster un fruit au ralenti en aspirant la chair mure, sentir le gout d’amande du noyau, entendre de loin que le problème du four n’est pas réglé, s’en moquer, écouter jouer autour, rêver à la plage, surtout rêver à la plage… Le temps s’étire et mon corps tout ramolli ne voit plus qu’il brûle de chaleur. 

-Mais c’est où la Russie?

-C’est là, juste après la clé à molette.

-OK! J’ai besoin de prendre de l’essence, je m’arrête là. 

-Elle est où la station service?

-C’est la bobine de fil à tricoter jaune… Je te l’ai déjà dit!

-Et si on partait ensuite en ballon, comme dans l’île mystérieuse! Accroche-le à la ficelle!

-T’es trop bête, celui-là ne va pas s’envoler … 

-C’est pas grave, viens on lui fait une nacelle, on a une grosse bobine jaune !

-Les enfants, je viens de marcher sur la lettre Y! Qui range la boite de Scrabble? 

-On en a besoin pour la piste de décollage !

Des bruits dans le couloir, des éclats de voix d’enfants… Les yeux papillonnent.

L’air est déjà très chaud, saturé de parfums d’herbes coupées, d’effluves de menthe, de sauge, de pierres sèches et de chênes truffiers. La paupière mi-close observe la chambre autour – connait pas- la respiration revient vers le corps qui se réveille là, posé sur le matelas, les draps en boule.

Des sons d’harmonica et d’accordéon me tirent un peu plus du sommeil. La fête de ce soir se prépare, c’est vrai… C’est pour ça qu’on est venu. Nos corps moites se dénouent, au bord du réveil. Ce matin, mon ile mystérieuse restera inabordée, le Manitoba terre lointaine. Un soupir le regrette. Mais bon…

J’entends jouer les enfants de la maison. Je reste un moment à me délecter de leur fertile imaginaire. Je laisse les embouteillages brumeux des souvenirs s’étirer comme un voile dans l’azur. Je me lève, et dans l’entrée, j’enjambe le pont extraordinaire en Duplo, les pavés de Scrabble, l’ile de Jules Verne et les paysages de l’enfance qui se déroulent au hasard du terrain de jeu, par terre. Les deux aventuriers remarquent à peine mon passage. L’enfance exalte la liberté, l’humour.

J1 après l’embouteillage… Vacances au bout du monde quelque part en France… Ça sent bon le champ des possibles et l’échappée belle.

©Véronique Bonnet

1h01mn30 : « on se découvre en regardant » …

POUR LIRE TOUS LES TEXTES : c’est ICI, ou LA !

Un mot après

(agenda ironique de juin la « brocante de mots »)

« Approchez, approchez mesdames et messieurs car aujourd’hui grande vente aux enchères! Dans quelques instants de jeunes apprentis saltimbanques vont vous présenter des mots! Un mot pour tous, tous pour un mot!
Des gros mots, pour les grossistes,
Des mots de tête, pour les charlatans,
Des jeux de mots pour les artistes,
Des mots d’amour pour les amants. »

« La lune est presque pleine ce soir… Tiens, ça doit être les encombrants demain! Baisse un peu cette musique et viens m’aider à sortir la table de jardin et les vieilles chaises! »

Les trottoirs sont déjà jonchés d’immondices. Des restes d’étagères moisies, vieille table lépreuse en bois qui n’en peut plus de voir passer les saisons et les familles affamées, quelque menu trésor aussi qui attendent un preneur. Commence le ballet des voitures discrètes d’où sortent des ombres pressées, des mains anonymes qui soupèsent, palpent et évaluent l’éventuel service rendu.

Avant la date des encombrants, ça marche aussi : mettez un meuble devant votre trottoir, et dans les deux ou trois heures qui suivent, l’objet sera récupéré.

Mais le mystère de la main qui donne demeure entier : une chaise défraîchie, cabossée, à la toile fendillée attendait certainement depuis longtemps le verdict de l’expulsion. Quelle est l’histoire qui se retrouve à la rue ? Comment se fait-il que ce meuble soit dehors ce jour- là, précisément ? Il contraste terriblement avec le soleil roux d’un dimanche soir de fin de printemps. Il se plait bien aussi sous la pluie qui l’aide à chialer ses dernières couleurs et ses vielles crasses.

Mystère, la circonstance décide soudain du détachement, du top départ de sortie. Sitôt les porteurs d’histoires évacués et autres objets de service congédiés, le lifting de maison se prépare.

Et puis il y a les meubles résistants au temps, les laissés pour compte, comme ceux du garage. 

C’était sûrement une étagère rescapée d’une chambre ou d’une ancienne cuisine, d’une précédente maison peut-être ou encore de l’ancien propriétaire des lieux. Quand elle termine sur le pavé, elle est aussi déformée et rouillée qu’une vieille boîte de conserves. L’objet a tout donné. Il est vermoulu, humide. Peut-être même a t- il été hérité. Une partie de moi ose à peine le montrer quand je le dépose dehors : l’objet porte la déchéance, la fin de vie, l’abandon. Et puis, je vois sur le trottoir en face, d’autres objets de « longue vie » qui sont là à attendre leur sort ultime.

Il faudrait les brûler par respect. Je me dis : « il a bien tenu celui-là », toute fière de ne pas avoir gaspillée mais contente de faire place nette. 

Quand je garde, c’est utilitaire mais c’est aussi parce que l’objet a des choses à dire…

Je peux me débarrasser de lui quand il a fini de me raconter son histoire, car alors, il m’encombre soudain terriblement. Quand il faut préparer un déménagement, le tri, l’ajustement vont plus vite. 

Mais, le mystère de la main qui lâche reste entier.

Je me retourne : le réverbère de la rue éclaire la vieille table de jardin en bois, et des chaises dépareillées en plastique blanc jauni, au milieu d’étagères déglinguées, invitées de dernière minute, une trottinette rouillée, des pots cassés, un matelas en mousse. Le reste se perd dans la nuit.

Entends-tu, les mots tus?

Je me retourne. Une chouette hulule et les collines sentent bon les fleurs d’acacia et de sureau.

Motus, je rentre, légère.

©Véronique Bonnet

Agenda ironique de juin : toutes les explications ici ! :

https://poesie-de-nature.com/2019/06/02/agenda-ironique-de-juin-la-brocante-dete-cest-ici/‎(s’ouvre dans un nouvel onglet)

Agenda ironique de juin : le saltimbanque d’à côté

« Et les enfants s’en vont devant
Les autres suivent en rêvant« 
Le clown, on le croisait dans les rues du village, sans son nez rouge. Les voeux du maire avaient grand succès, car on savait que Raymond Devos toujours présent, ne se ferait pas prier pour faire une digression délirante, l’air étonné de ses propres propos, devant un ‘auditoire gondolé.

On m’a raconté qu’il invitait les voisins à monter dans son petit théâtre sous les combles. Il les faisait asseoir et jouait sous leurs yeux médusés, certains de ses nouveaux effets, en scrutant attentivement le jaillissement du rire.

C’est une maison qui se visite aujourd’hui, et qui allume la tendresse amusée, et la magie du spectacle.
©Véronique Bonnet

Les saltimbanques

Dans la plaine les baladins
S’éloignent au long des jardins
Devant l’huis des auberges grises
Par les villages sans églises.
Et les enfants s’en vont devant
Les autres suivent en rêvant
Chaque arbre fruitier se résigne
Quand de très loin ils lui font signe.
Ils ont des poids ronds ou carrés
Des tambours, des cerceaux dorés
L’ours et le singe, animaux sages
Quêtent des sous sur leur passage.
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

slam ironique

Le thème de l’AGENDA IRONIQUE de juin que je vous propose : Voilà l’été !! TOUTES LES FOLIES ET DERISIONS SONT BIENVENUES, MAIS… votre texte fera suite à ce début de la chanson « les mots » de la rue Kétanou).

Voilà ma tentative à l’agenda … Pas si facile de raccrocher le propos, j’avoue…

« Approchez, approchez mesdames et messieurs car aujourd’hui grande vente aux enchères! Dans quelques instants de jeunes apprentis saltimbanques vont vous présenter des mots! Un mot pour tous, tous pour un mot!
Des gros mots, pour les grossistes,
Des mots de tête, pour les charlatans,
Des jeux de mots pour les artistes,
Des mots d’amour pour les amants. »

« Un mot pour tous, tous pour un mot »… L’air a commencé à me reprendre sur le site de Chachashire, « différences propres et singularité ». De hameau d’amour en maquis-art et zones portuaires, aux limites limites, je me suis souvenue d’un petit rien composé pour des amis, après un voyage qui nous avait rendu à notre propre solidarité. Le petit « rien » à partager qui apparaissait là-bas si naturel, l’était moins ici dès le retour. Alors un slalom biz-art plus qu’un slam vrai j’avais composé, pour leur témoigner une tendresse, un machin, un baz-art. Allez, c’est l’été, dans l’air libre, des mots courts qui vont plus vite :

J’suis là dans mon falzart 

Je vous lis et ça repart

Non c’est pas biz-art

C’est sm-art, smurf, c’est du trip -art

Chacun sa quote part

Cot cot cot? 

Ça sonne comme un faire-part

Rancart, encarts, flambart 

Tout ça c’est plein de brocart

D’amour, pas de traquenard!

Pas de rempart mais un nouveau départ ! 

Salut les gaies- parts, les guêpes-arts, les guépards, les queutards !

J’en perds le nard! Même pas fumé d’pétard! Même pas d’cafard!

Alors, qu’on soit les arpions en éventail, 

Ou à arpenter la vie dans ses artifices, 

Nous voilà, sans sacrifice, sans rockstar,

A sortir de notre coltard !      

Top départ !

©Véronique Bonnet

Organisé sur le site ce mois-ci, infos et participation :

) :https://poesie-de-nature.com/2019/06/02/agenda-ironique-de-juin-la-brocante-dete-cest-ici/

Agenda ironique de juin : la brocante d’été! c’est ici

A  mon tour d’accueillir l’Agenda ironique de juin, ce que je fais avec le plaisir anticipé de vous rencontrer dans vos bouquets variés…

Chers auteurs, lecteurs, abonnés, jongleurs de mots, oyez! oyez !
« Des mots de passe pour les méfiants et des mots clés pour les prisonniers», en attendant la caravane, voilà l’été et brocante de mots. Les négresses vertes et la rue Ketanou donnent le ton! ( le lien est au bas de la page pour les écouter). Laissez vous inspirer par leur ambiance…



Voilà l’été !! TOUTES LES FOLIES ET DERISIONS SONT BIENVENUES, MAIS… votre texte fera suite à ce paragraphe ( début de la chanson « les mots » de la rue Kétanou) :
« Approchez, approchez mesdames et messieurs car aujourd’hui grande vente aux enchères! Dans quelques instants de jeunes apprentis saltimbanques vont vous présenter des mots! Un mot pour tous, tous pour un mot! Des gros mots, pour les grossistes, Des mots de tête, pour les charlatans, Des jeux de mots pour les artistes, Des mots d’amour pour les amants. »
Il suffit de reporter le lien de votre texte ici, et n’oubliez pas, sur votre blog, de reporter le lien de cette page. Rendez-vous ici tout le mois pour découvrir les écrits et à la fin du mois pour les votes!
À très bientôt
Véronique

Instant d’équilibre

I

Quand la conscience du fil grandit,

Quand l’intérieur s’accorde, 

Et les liens se tissent au dehors,

Quand l’imaginaire dessine des ponts et des merveilles,

Des monts, et des cristaux,

Des terres à délices, des prémices d’Alice,

Quand le moment est capturé, non pas par une photo 

Mais par les filtres sensoriels et l’invisible subtil, 

L’instant peut alors se respirer

Et le corps s’allonger en étoile sur la pelouse…

Magique comme le violoncelle de Yo-Yo Ma jouant les suites de Bach…

Perdre la notion du temps n’est pas loin. 

Entre lâcher prise et discernement, 

Equilibriste de vie, 

Profite!

©Véronique Bonnet


suites pour violoncelle seul de Bach

Clair hier

Vient ce temps 

En histoires contées 

Où les écureuils de guerre lasse 

Viennent partager leurs fantasques récoltes.

De la découverte du fruit nouveau

Au cœur de la froidure

Au bord des chemins, 

Jusqu’aux sauts de rivières grondantes et cailloux trébuchants,

Caresse d’arbres

Echos d’été, sous-bois  de champignons, 

Craquantes noisettes et traces de neige

Bleus de ciels intemporels,

Intempéries et douceurs de lune rousse

Fondus de soleils rouges, 

Camaïeux hérissés de sapins de montagne,

Etoiles de mousse, 

Vents passés déchaînés 

Et printemps avenir.

Sous l’arc en ciel dégagé du paysage compassé,

Le feu apparaît.

D’un orange chuchoté, 

Il crépite dans la clairière, 

Au milieu des danses de vie

Des panaches et des crinières.

Tourments d’amour, solitude glacée, 

Passions chimères, liens cendrés, 

Font aussi la flamme apaisée! 

Les animaux tombent d’accord :

« Le meilleur moyen d’éviter la chute des cheveux, c’est de faire un pas de côté. »

©Véronique Bonnet


Bonjour! Voici donc ce petit texte pour l’agenda ironique de Février, tenu  par Ecri ‘Turbulente. http://ecriturbulente.com/2019/02/19/lagenda-ironique-meme-pas-en-reve/

Le jeu d’écriture proposé :

Après beaucoup de péripéties (mais lesquelles ?) on me propose de rêver le rêve absolu.
Comment en est-on arrivé là ?

Eugène Ionesco – Journal en miettes

Au pied de la lettre, imaginez ces péripéties chargées d’un puissant magnétisme onirique, rêves de réalités de plus en plus intenses.

Rêver pour de vrai, jusqu’au rêve absolu.

Seule une « petite » contrainte : votre texte devra se terminer par cette phrase de Groucho Marx :

« Le meilleur moyen d’éviter la chute des cheveux, c’est de faire un pas de côté. »

Dans le secret d’une journée de Printemps

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Le bruissement passe, 

D’un ou d’une…

Peut être une fine guêpe, ou alors un bourdon dans le vent chaud…

Laissez donc vos oreilles ouvertes, 

A d’autres vibrations entendues.

Sentez, ces parfums de  fleurs attirantes que vous ne voyez pas encore… 

Caressez lui le coin de la bouche

Et laisser le sourire faire apparaître la fossette, la douceur attendrir la pointe de sensualité,

Et la sensualité faire dresser l’essaim des désirs… 

Soupesez la proposition… 

Humer le parfum de lilas, ou peut-être, celui de l’ylang Ylang, et commencez à agiter le lac intérieur en profondeur.

Comment faire, dites-vous?

Ma foi, je n’en sais rien, on a rarement tous les ingrédients… 

Laissez -vous surprendre, improviser, par ce qui est là, jusqu’à  ce que la préparation chauffe.

Laissez frissonner  et rougir…

Alors, à bonne température – que vous seuls connaissez –

Laissez le mouvement lent délier les corps et la nudité nimber la nuit d’amour et de suaves paysages. 

À ce moment précis , et si vous  preniez un temps pour  laisser la guitare gratter la peau,

Amplir les coeurs brûlants?

Vous pourriez peut-être, de mouvements en mélanges, 

De sensations tutti frutti en dunes douces , en sable émouvant,

Vous laisser ravir par le parfum.

Sa présence est dense, puissante.

Prenez votre temps pour écouter alors la vibration agir, rugir , 

Et la vague venir de loin et éclabousser les corps.

©Véronique Bonnet

La lecture conjointe des deux sujets du mois m’a inspiré ce texte. C’est donc ma participation aux deux  défis suivants :

  • Pour : A vos claviers :  » Composer un texte sous la forme d’une recette qui ne se mange pas « , thème proposé par Estelle de  « L’atelier sous les feuilles ».
  • Pour : L’agenda ironique de mai : « NU, NUE, NUS, NUES…. déshabillez-vous! » , proposé par Valentyne de « La jument verte ».

Fenêtre paradoxale

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Scène : un château de campagne dans son jus, peu rénové… Je vois les douves pleines de nénuphars et la campagne verte autour, depuis la fenêtre ornée de bois peint couleur parme. Le désuet me fait sourire, mais ça fonctionne. C’est juste très charmant et ça me touche…

Mon imaginaire se glisse dans une main fine au dos couvert de dentelles blanches précieuses. La femme écrit, lève les yeux de temps à autre, et dans son décolleté, la poitrine respire d’aise devant la nature splendide de fin d’été. Elle dit tout son détachement de la vie citadine…

Un autre regard y verrait tout aussi bien le calme pesant, l’immobilité séculaire angoissante de ce lieu (et c’est plutôt le deuxième retour que me fait mon fils quand je lui décris l’endroit).

Pour moi, c’est un splendide décor de film et d’Histoire, et, celui d’un magnifique mariage pour lequel j’étais invitée la veille. Que de beaux moments conviviaux, intimes aux chandelles, puis débordants, pêle-mêle, de bulles de champagne, de sourires, de joie, de pas de danse, de bras enlacés…

Dans la vie de tous les jours, notre soit-disant rationalité est souvent battue en brèche par un bricolage de suppositions, d’émotions, d’imaginaire. Ce sont autant de propositions qui éloignent une discussion de la réalité. Mais de quelle réalité parle t-on? Je vous en ai écrit une, mais elle dépend de mon contexte …

Dès le lundi matin, je croise une connaissance alors que je me pressais pour attraper le RER. On se sourit. Elle me dit, avant même que je n’aie eu le temps de lui dire bonjour :

 » Tu n’as pas l’air en forme, tu as mauvaise mine ».

Il est vrai que j’avais bien fais la fête.

Et en regardant fixement mon sac (qui contenait mes affaires de danse), elle dit :  » Et tu as l’air d’être débordée de travail « . L’espace de quelques secondes, je me sens chargée d’un fardeau, d’un découragement…le sien, j’ai l’impression…

Au bord des lèvres, la question s’évanouit, remplacée par le rire, et tout en reprenant la marche – histoire de sortir de l’une de ces trop nombreuses suppositions plombantes – j’opte pour un :

 » Ah non, là je pars danser ! »

En face, la question s’évanouit aussi.

 

Oui, je vous fais une confidence… je ne suis pas une femme tronc derrière un bureau… Je danse, je m’amuse, et la vie est belle…

©Véronique Bonnet